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Oh toi visiteur, amateur de poésie,

Que ta curiosité a mené jusqu’ici,
Laisse-toi naviguer au gré de tes envies
Parcours tout ce qui gravite autour de ma vie.
  Ce ne sont que des essais couchés sur papier,
Une partie de moi qui voulait s’exprimer,
Des mots que je ne pouvais laisser enfermés,
C’est tellement beau de les entendre chanter…
  Flotte sur les méandres de mes sentiments,
Partage rires et peines, vole à mes vents,
Vogue sur mes larmes lourdes comme une enclume
  Pour que ton cœur palpite au rythme de ma plume.


16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 12:45

comme-plaira.jpg 

 

 

Cette comédie légère écrite vers 1599 a été inspirée à Shakespeare par un roman de Thomas Lodge « Rosalynde or Euphues’ golden legacie ». Shakespeare y a trouvé son héroïne et une excellente analyse de l’amour chez une jeune fille. Le décor est la forêt des Ardennes où Thomas Lodge place aussi ses personnages.


 

Résumé : Rosalinde, fille du duc banni, fuit avec sa cousine Célia, fille du nouveau duc Frédéric, dans la forêt des Ardennes dans l’espoir de retrouver son père. Pour éviter toute agression, elles se vêtissent en habits d’homme et vont faire diverses rencontres.

 

 

 

 

Si les premières pages mettent en avant la rivalité entre deux couples de frères Orlando / Olivier et les deux ducs, le thème majeur de cette comédie est bien évidemment l’amour. Mais l’amour sous différentes formes : l’amour père-fille déjà vu dans le roi Lear, l’amour homme-femme romantique et véritable comme dans Roméo et Juliette mais aussi l’amour que je qualifierais de « nécessaire » interprété ici par un clown et une paysanne et des bergers.

Tout comme dans  le marchand de Venise , la femme a ici une place prépondérante et Rosalinde va avoir un rôle majeur, déterminant. Shakespeare sait à nouveau si bien décrire la passion féminine, nos attentes, nos désirs qu’on le lit avec enthousiasme. Il proclame des répliques féministes qui mettent en lumière la beauté et l’intelligence féminines et offre même un épilogue à son actrice principale Rosalinde.

Je vous livre bien entendu avec joie cette ode à la femme mais aussi quelques échanges plutôt drôles.

 

Acte II Scène 7 :

Jacques (seigneur ayant suivi le duc banni) : Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Tous ont leurs entrées et leurs sorties, et chacun y joue successivement les différents rôles d’un drame en sept âges. C’est d’abord l’enfant vagissant et bavant dans les bras de la nourrice. Puis, l’écolier pleurnicheur, avec sa sacoche et sa face radieuse d’aurore, qui, comme un limaçon, rampe à contrecoeur vers l’école. Et puis, l’amant, soupirant, avec l’ardeur d’une fournaise, une douloureuse ballade dédiée aux sourcils de sa maîtresse. Puis, le soldat, plein de jurons étrangers, barbu comme le léopard, jaloux sur le point d’honneur, brusque et vif à la querelle, poursuivant la fumée réputation jusqu’à la gueule du canon. Et puis, le juge, dans sa belle panse ronde garnie d’un bon chapon, l’œil sévère, la barbe solennellement taillée, plein de sages dictons et de banales maximes, et jouant, lui aussi, son rôle. Le sixième âge nous offre un maigre Pantalon en pantoufles, avec des lunettes sur le nez, un bissac au côté ; les bas de son jeune temps bien conservés, mais infiniment trop larges pour son jarret racorni ; sa voix, jadis pleine et mâle, revenant au fausset enfantin et modulant un aigre sifflement. La scène finale, qui termine ce drame historique, étrange et accidenté, est une seconde enfance, état de pur oubli ; sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien.

 

Acte III Scène 2 :

Pierre de Touche (le clown) : Eh bien, si tu n’as jamais été à la cour, tu n’as jamais vu les bonnes façons ; si tu n’as jamais vu les bonnes façons, tes façons doivent être nécessairement mauvaises ; et le mal est péché, et le péché est damnation. Tu es dans un état périlleux, berger.

Corin (berger) : Point du tout, Pierre de Touche. Les bonnes façons de la cour seraient aussi ridicules à la campagne que les manières de la campagne seraient grotesques à la cour. Vous m’avez dit qu’on ne se salue à la cour qu’en se baisant les mains : cette courtoisie serait très malpropre, si les courtisans étaient des bergers.

Pierre de Touche : La preuve, vite ! Allons, la preuve !

Corin : Eh bien, nous touchons continuellement nos brebis, et vous savez que leur toison est grasse.

Pierre de Touche : Eh bien, est-ce que les mains de nos courtisans ne suent pas ? Et la graisse d’un mouton n’est-elle pas aussi saine que la sueur d’un homme ? Raison creuse, raison creuse ! Une meilleure, allons !

Corin : En outre, nos mains sont rudes.

Pierre de Touche : Vos lèvres n’en sentiront que mieux le contact. Encore une creuse raison ! Une plus solide, allons !

Corin : Et puis elles se couvrent souvent de goudron, quand nous soignons notre troupeau : voudriez-vous que nous baisions du goudron ? Les mains du courtisan sont parfumées de civette. 

Pierre de Touche : Homme borné ! Tu n’es que de la chair à vermine, comparé à un beau morceau de viande. Oui-da ! Ecoute le sage et réfléchis : la civette est de plus basse extraction que le goudron, c’est la sale fiente d’un chat. Une meilleure raison, berger !

Corin : Vous avez un top bel esprit pour moi !

Pierre de Touche : Veux-tu donc rester damné ? Dieu t’assiste, homme borné ! Dieu veuille t’ouvrir la cervelle ! Tu es bien naïf !

Corin : Monsieur, je suis un simple journalier ; je gagne ce que je mange et ce que je porte ; je n’ai de rancune contre personne ; je n’envie le bonheur de personne ; je suis content du bonheur d’autrui, et résigné à tout malheur ; et mon plus grand orgueil est de voir mes brebis paître et mes agneaux téter.

Pierre de Touche : Encore une coupable simplicité : rassembler brebis et béliers, et tâcher de gagner sa vie par la copulation du bétail ; se faire l’entremetteur de la bête à laine, au mépris de toute conscience, livrer une brebis d’un an à un bélier cornu, chenu et cocu ! Si tu n’es pas damné pour ça, c’est que le diable lui-même ne veut pas avoir de bergers ; autrement, je ne vois pas comment tu peux échapper.

 

Poème écrit par Orlando  pour Rosalinde :

J’attacherai à chaque arbre des langues qui proclameront des vérités solennelles :

Elles diront combien vite la vie de l’homme parcourt son errant pèlerinage ;

Que la somme de ses années tiendrait dans une main tendue ;

Que de fois ont été violés les serments échangés entre deux âmes amies.

Mais, sur les branches les plus belles et au bout de chaque phrase,

J’écrirai le nom de Rosalinde, pour faire savoir à tous ceux qui lisent

Que le ciel a voulu condenser en elle la quintessence de toute grâce.

Ainsi le ciel chargea la nature d’entasser dans un seul corps

Toutes les perfections éparses dans le monde.

Aussitôt la nature passa à son crible la beauté d’Hélène, sans son cœur,

La majesté de Cléopâtre, le charme suprême d’Atalante, l’austère chasteté de Lucrèce.

Ainsi de maintes qualités Rosalinde fut formée par le synode céleste :

Nombre de visages, de regards et de cœurs lui cédèrent leurs plus précieux attraits.

Le ciel a décidé qu’elle aurait tous ces dons, et que je vivrais et mourrais son esclave.

 

Acte III Scène 3 :

Audrey (paysanne) : Je ne sais point ce que c’est que poétique. Ca veut dire honnête en action et en parole ? Est-ce quelque chose de vrai ?

Pierre de Touche : Non, vraiment ; car la vraie poésie est toute fiction, et les amoureux sont adonnés à la poésie ; et l’on peut dire que, comme amants, ils font une fiction de ce qu’ils jurent comme poètes.

Audrey : Et vous voudriez que les dieux m’eussent faite poétique ?

Pierre de Touche : Oui, vraiment, car tu m’as juré que tu étais vertueuse ; or, si tu étais poète, je pourrais espérer que c’est une fiction.

Audrey : Voudriez-vous que je ne fusse pas vertueuse ?

Pierre de Touche : Je le voudrais, certes, à moins que tu ne fusses laide. Car la vertu accouplée à la beauté, c’est le miel servant de sauce au sucre.

Jacques, à part : Fou profond !

Audrey : Eh bien, je ne suis pas jolie, et conséquemment je prie les dieux de me rendre vertueuse.

Pierre de Touche : Oui, mais donner la vertu à un impur laideron, c’est servir un excellent mets dans un plat sale.

Audrey : Je ne suis pas impure, bien que je sois laide, Dieu merci !

Pierre de Touche : C’est bon ! Les dieux soient loués de ta laideur ! L’impureté a toujours le temps de venir… Quoi qu’il en soit, je veux t’épouser, et à cette fin  j’ai vu sire Olivier Gâche-Texte, le vicaire du village voisin, qui m’a promis de me rejoindre dans cet endroit de la forêt et de nous accoupler.

Jacques, à part : Je serais bien aise de voir cette réunion.

Audrey : Allons, les dieux nous tiennent en joie !

Pierre de Touche : Amen ! Certes un homme qui serait de cœur timide pourrait bien chanceler devant une telle entreprise ; car ici nous n’avons d’autre temple que le bois, d’autres témoins que les bêtes à cornes. Mais bah ! courage ! Si les cornes sont désagréables, elles sont nécessaires. On dit que bien des gens ne savent pas la fin de leurs fortunes ; c’est vrai : bien des gens ont de bonnes cornes, et n’en savent pas la véritable fin. Après tout, c’est le douaire de leurs femmes ; ce n’est pas de leur propre apport. Des cornes ?... Dame, oui !... Pour les pauvres gens seulement ?... Non, non ; le plus noble cerf en a d’aussi amples que le plus vilain. L’homme solitaire est-il donc si heureux ? Non. De même qu’une ville crénelée est plus majestueuse qu’un village, de même le chef d’un homme marié est plus honorable que le front uni d’un célibataire. Et autant une bonne défense est supérieure à l’impuissance, autant la corne est préférable à l’absence de corne.

 

Acte III Scène 5 :

Rosalinde, intervenant pour réprimer les insultes que lance Phébé (bergère) à son prétendant le berger Silvius : Et pourquoi, je vous prie ? De quelle mère êtes-vous donc née, pour insulter ainsi et accabler à plaisir les malheureux ? Quand vous n’auriez de la beauté (et, ma foi ! Je vous en vois tout juste assez pour aller au lit la nuit sans chandelle), serait-ce une raison pour être arrogante et impitoyable ?... Eh bien, que signifie ceci ?

 

Acte IV Scène 1 :

Rosalinde (déguisée en homme) parlant de Rosalinde : Combien de temps voudrez-vous d’elle, quand vous l’aurez possédée ?

Orlando : L’éternité, et un jour.

Rosalinde : Dites un jour, sans l’éternité. Non, non, Orlando. Les hommes sont Avril quand ils font la cour, et Décembre quand ils épousent. Les filles sont Mai tant qu’elles sont filles, mais le temps change dès qu’elles sont femmes. Je prétends être plus jalouse de toi qu’un ramier de Barbarie de sa colombe, plus criarde qu’un perroquet sous la pluie, plus extravagante qu’un singe, plus éperdue dans mes désirs qu’un babouin. Je prétends pleurer pour rien comme Diane à la fontaine, et ça quand vous serez en humeur de gaieté ; je prétends rire comme une hyène, et ça quand tu seras disposé à dormir.

Orlando : Mais ma Rosalinde fera-t-elle tout cela ?

Rosalinde : Sur ma vie, elle fera comme je ferai.

Orlando : Oh ! mais elle est sage !

Rosalinde : Oui, autrement elle n’aurait pas la sagesse de faire tout cela. Plus elle sera sage, plus elle sera maligne. Fermez les portes sur l’esprit de la femme, et il s’échappera par la fenêtre ; fermez la fenêtre, et il s’échappera par le trou de la serrure ; bouchez la serrure, et il s’envolera avec la fumée par la cheminée.

Orlando : Un homme qui aurait une femme douée d’autant d’esprit pourrait bien s’écrier : « Esprit, où t’égares-tu ? »

Rosalinde : Oh ! Vous pouvez garder cette exclamation pour le cas où vous verriez l’esprit de votre femme monter au lit de votre voisin.

Orlando : Et quelle spirituelle excuse son esprit trouverait-il à cela ?

Rosalinde : Parbleu ! Il lui suffirait de dire qu’elle allait vous y chercher. Vous ne la trouverez jamais sans réplique, à moins que vous ne la trouviez sans langue. Pour la femme qui ne saurait pas rejeter sa faute sur le compte de son mari, oh ! qu’elle ne nourrisse pas elle-même son enfant, car elle en ferait un imbécile !

 

Acte V Scène 1 :

Pierre de Touche : Avoir c’est avoir. Car c’est une figure de rhétorique qu’un liquide, étant versé d’une tasse dans un verre, en remplissant un évacue l’autre. Car tous vos auteurs sont d’avis que ipse c’est lui-même ; or, tu n’es pas ipse, car je suis lui-même.

William (prétendant d’Audrey) : Quel lui-même, monsieur ?

Pierre de Touche, montrant Audrey : Ce lui-même, monsieur, qui doit épouser cette femme. C’est pourquoi, ô rustre, abandonnez, c’est-à-dire, en termes vulgaires, quittez la société, c’est-à-dire, en style villageois, la compagnie de cette femelle, c’est-à-dire, en langue commune, de cette femme, c’est-à-dire, en résumé, abandonne la société de cette femelle ; sinon, rustre, tu péris, ou, pour te faire mieux comprendre, tu meurs ! En d’autres termes, je te tue, je t’extermine, je translate ta vie en mort, ta liberté en asservissement ! J’agis sur toi par le poison, par la bastonnade ou par l’acier, je te fais sauter par guet-apens, je t’écrase par stratagème, je te tue de cent cinquante manières ! C’est pourquoi tremble et décampe.

 

Acte V Scène 4 :

Jacques : Pourriez-vous à présent nommer par ordre les degrés du démenti ?

Pierre de Touche : Oh ! Monsieur, nous nous querellons d’après l’imprimé ; il y a un livre pour ça comme il y a des livres pour les bonnes manières. Je vais vous nommer les degrés. Premier degré, la Réplique courtoise ; second, le Sarcasme modeste ; troisième, la Répartie grossière ; quatrième, la Riposte vaillante ; cinquième, la Contradiction querelleuse ; sixième, le Démenti à condition ; septième, le Démenti direct. Vous pouvez les éluder tous, excepté le démenti direct ; et encore vous pouvez éluder celui-là par un Si. J’ai vu  le cas où sept juges n’avaient pu arranger une querelle ; mais, tous les adversaires se rencontrant, l’un d’eux eut tout bonnement l’idée d’un Si, comme par exemple :  « Si vous avez dit ceci, j’ai dit cela » et alors ils se serrèrent la main et jurèrent d’être frères. Votre Si est l’unique juge de paix ; il y a une grande vertu dans le Si.

 

Epilogue :

Rosalinde, aux spectateurs : Ce n’est pas la mode de voir l’héroïne en épilogue, mais ce n’est pas plus malséant que de voir le héros en prologue. S’il est vrai que bon vin n’a pas besoin d’enseigne, il est vrai aussi qu’une bonne pièce n’a pas besoin d’épilogue. Pourtant à de bon vin on met de bonnes enseignes et les bonnes pièces semblent meilleures à l’aide des bons épilogues. Dans quel embarras suis-je donc, moi qui ne suis pas un bon épilogue et ne puis intercéder près de vous en faveur d’une bonne pièce ! Je n’ai pas les vêtements d’une mendiante : mendier ne me sied donc pas. Ma ressource est de vous conjurer, et je commencerai par les femmes… O femmes ! je vous somme, par l’amour que vous portez aux hommes, d’applaudir dans cette pièce tout ce qui vous en plaît ; et vous, ô hommes, par l’amour que vous portez aux femmes (et je m’aperçois à vos sourires que nul de vous ne les hait), je vous somme de concourir avec les femmes au succès de la pièce… Si j’étais femme, j’embrasserais tout ceux d’entre vous dont la barbe me plairait, dont le teint me charmerait, et dont l’haleine ne me rebuterait pas ; et je suis sûr que tout ceux qui ont la barbe belle, le visage beau et l’haleine douce, en retour de mon offre aimable, voudront bien, quand j’aurai fait la révérence, m’adresser un cordial adieu.

 

 

A découvrir aussi : le roman Hamlet

                               la biographie de Shakespeare

                               Othello

                               Mac Beth

                               Antoine et Cléopâtre

                               le film Shakespeare in love

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                               le roi Lear

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                               le film Hamlet avec Mel Gibson

                                         le film Hamlet de K. Branagh

                               beaucoup de bruit pour rien

                               le marchand de Venise

                               Roméo et Juliette

                               Jules César

                               Les sonnets de Shakespeare

                               Les joyeuses commères de Windsor

                               Songe d'une nuit d'été

                               Le soir des rois

                               Les deux gentilshommes de Vérone

                               le film Anonymous

                               la mégère apprivoisée

                               peines d'amours perdues

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 10:18

Seconde comédie de Shakespeare un peu plus drôle d’ailleurs qui mêle plusieurs chassés-croisés amoureux et bien sûr des ruses propres à l’auteur. Si l’on peut reprocher quelques similitudes avec « Roméo et Juliette », l’histoire reste cependant bien différente et elle est ponctuée de répliques à nouveau risquées pour l’époque mais qui font sourire le lecteur.


 beaucoup.jpg

Résumé : Héro est la fille du gouverneur de Messine Léonato. Claudio, favori de Don Pedro est amoureux d’elle et souhaite l’épouser. Don Pedro lui propose son aide afin de découvrir les sentiments de la jeune fille. Don Juan, le frère de Don Pedro, croyant que c’est Don Pedro qui est amoureux d’elle, décide de faire passer la jeune femme pour une fille légère en la remplaçant par une autre. Le stratagème fonctionne à merveille, Claudio aperçoit la fausse Héro dans les bras d’un autre et décide de l’humilier en public le jour de leurs noces. La pauvre femme s’évanouit alors et son entourage, choqué du comportement de Claudio, décide de la faire passer pour morte. Heureusement, se croyant seuls,  deux hommes de Don Juan ayant participés à la ruse dévoilent le pot aux roses à des officiers municipaux. Ceux-ci révèlent alors la vérité.

 

Si cette histoire est la principale, elle s’entremêle avec une idylle plus complexe entre Bénédict, un autre favori de Don Pedro et Béatrice la nièce de Léonato. Cette dernière est une femme très moderne pour l’époque, qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui balance des répliques cinglantes et franchement marrantes. Ils sont l’un et l’autre attirés mais refusent de se dévoiler, criant à qui veut l’entendre qu’ils ne se marieront jamais. Mais leurs amis leur tendront un piège pour tenter de les réunir.

 

Acte I Scène 1 :

Léonato (au messager) : Monsieur, ne méjugez pas ma nièce : il y a une espèce de guerre joyeuse entre le signor Bénédict et elle ; ils ne se rencontrent jamais, qu’il n’y ait entre eux escarmouche d’esprit.

Béatrice : Hélas ! Il n’y gagne rien. Dans notre dernier combat, quatre de ses cinq esprits s’en sont allés tout éclopés, et maintenant il n’en reste qu’un pour gouverner tout l’homme. Si celui-là suffit pour lui tenir chaud, qu’il le garde comme une distinction entre lui et son cheval ! Car c’est le seul insigne qu’il ait encore pour être reconnu créature raisonnable.

[…]

Béatrice : Je m’étonne que vous jasiez toujours, signor Bénédict : personne ne vous écoute.

Bénédict : Eh quoi ! Chère madame Dédain ! Vous êtes encore vivante ?

Béatrice : Est-il possible que Dédain meure, ayant pour se nourrir un aliment aussi inépuisable que le signor Bénédict ? Courtoisie elle-même se travestirait en Dédain, si vous paraissiez en sa présence.

Bénédict : Courtoisie serait donc une comédienne ! Il est certain que je suis aimé de toutes les dames, vous seule exceptée ; et je voudrais pour elles trouver dans mon cœur un cœur plus tendre, car vraiment je n’en aime aucune.

Béatrice : Bonheur précieux pour les femmes ! Autrement, elles seraient importunées par un insipide soupirant. Grâce à Dieu et à la froideur de mon sang, je suis en cela de votre humeur. J’aimerais mieux entendre mon chien aboyer aux corneilles, qu’un homme me jurer qu’il m’adore.

Bénédict : Dieu maintienne votre Grâce dans cette disposition ! La figure de tel ou tel gentilhomme échappera ainsi à de fatales égratignures.

Béatrice : Si cette figure était comme la vôtre, les égratignures ne la rendraient pas pire.

Bénédict : En vérité, vous feriez un perroquet modèle.

Béatrice : Un oiseau parlant comme moi vaut mieux qu’une bête parlant comme vous.

Bénédict : Je voudrais que mon cheval eût la vitesse de votre langue et cette longue haleine. Au nom du ciel, continuez votre course ! Moi je m’arrête.

 

Acte II Scène 1 :

Béatrice parlant des hommes : Qu’en pourrais-je faire ? L’habiller de mes robes, et le prendre pour femme de chambre ? Celui qui a de la barbe est plus qu’un jouvenceau, et celui qui n’en a pas est moins qu’un homme. Or, celui qui est plus qu’un jouvenceau n’est pas pour moi ; et celui qui est moins qu’un homme, je ne suis pas pour lui. Aussi je consens à prendre pour douze sols toute la ménagerie des barbus, et à conduire tous ces singes-là en enfer.

Léonato : Eh bien, tu iras donc en enfer ?

Béatrice : Non, seulement jusqu’à la porte. Là, le Diable viendra au devant de moi avec des cornes sur la tête, comme un vieux cocu qu’il est, et il me dira : « Allez au ciel, Béatrice, allez au ciel, il n’y a pas de place ici pour vous autres vierges. » Sur ce, je lui remets mes singes, et je pars pour le ciel ! Saint Pierre m’indique où demeurent les célibataires, et nous vivons là aussi gais que le jour est long.

 

Acte IV Scène 1 :

Claudio (à son amour Héro qu’il accuse de tromperie) :Héro ! Quelle héroïne tu eusses été, si la moitié seulement de tes grâces extérieures avait ennobli tes pensées et les inspirations de ton cœur ! Mais adieu ! Adieu, toi, si affreuse et si belle ! Adieu, pure impiété, pureté impie ! Pour toi, je fermerai désormais toutes les portes de l’amour ; le soupçon flottera sur mes paupières, pour changer toute beauté en symbole du mal et lui ôter la grâce. 

[…]

Le moine : D’abord ceci, bien mené, devra, à l’égard de votre fille, changer la calomnie en remords ; c’est déjà un bien ; mais l’étrange expédient que j’imagine enfantera, je l’spère, de plus grands résultats. Censée morte, grâce à nos informations, au moment même où elle était accusée, elle sera pleurée, plainte, excusée pour tous ; en effet, il arrive toujours que nous n’estimons pas un bien à sa juste valeur, tant que nous en jouissons ; mais, dès qu’il nous manque, dès qu’il est perdu, ah ! alors nous en exagérons la valeur ; alors nous lui découvrons le mérite qu’il ne voulait pas nous montrer quand il était à nous.

 

Acte V Scène 3 :

Claudio (s’approchant du tombeau d’Héro et lisant un parchemin) : Frappée à mort par des langues calomnieuses fut Héro qui gît ici. En récompense de ses douleurs, la mort lui donne un renom immortel. Ainsi la vie, qui mourut de honte, vit de gloire dans la mort.

 

 

A découvrir aussi : le roman Hamlet

                               la biographie de Shakespeare

                               Othello

                               Mac Beth

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                               le film Roméo + Juliette

                               le roi Lear

                               Antoine et Cléopatre

                               Comme il vous plaira

                               le film Hamlet avec Mel Gibson

                                         le film Hamlet de K. Branagh

                               le marchand de Venise

                               Roméo et Juliette

                               Jules César

                               Les sonnets de Shakespeare

                               Les joyeuses commères de Windsor

                               Songe d'une nuit d'été

                               Le soir des rois

                               Les deux gentilshommes de Vérone

                               le film Anonymous

                               la mégère apprivoisée

                               peines d'amours perdues

 

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 10:27

marchand.jpeg

 

 

 

Après les tragédies et les sonnets de Shakespeare, il était temps de passer aux comédies. Certes, vous n’allez pas éclater de rire, en tout cas ce ne fut pas mon cas, mais il y a des répliques qui font sourire surtout que pour l’époque, elles étaient assez osées.

Je commencerai par vous parler de l’illustre « le marchand de Venise » dont la tirade du juif est connue de tous (cf la tirade de Shylock ci-dessous). Si dans cette pièce le juif est lourdement critiqué et mis à mal, Shakespeare met en lumière l’intelligence de la femme puisque c’est une héroïne qui magistralement sauvera l’ami de son mari. L’histoire est réellement intéressante, les rebondissements se multiplient et le final est grandiose. 

 

 


Résumé : Bassanio vit au-dessus de ses moyens. Il demande alors un prêt au juif Shylock. Shylock est enclin à faire ce geste quand il apprend qu’Antonio le marchand de Venise se porte garant de son ami. Antonio s’est souvent moqué du juif et Shylock lui voue une haine certaine. Aussi précise-t-il que si la somme engagée ne lui est pas remboursée à temps, il prélèvera une livre de chair à Antonio. Cela n’effraie en rien ce dernier dont le commerce est florissant et le marché est conclu.

Portia est une riche héritière qui doit se plier au vœu de son père défunt : elle sera mariée à celui qui choisira judicieusement entre trois coffres d’or, d’argent et de plomb recélant une énigme. Bassanio est attirée par cette jeune femme et c’est par ce biais qu’il compte rembourser son prêt. Mais le pari n’est pas gagné puisque de nombreux hommes ont déjà tenté leur chance en vain.

Malheureusement, comme dans toute bonne œuvre de Shakespeare, rien ne se passera comme prévu et le temps pressera nos deux compagnons.

 

Acte II Scène 6 :

Lorenzo (parlant de Jessica la fille de Shylock) : Que je sois maudit, si je ne l’aime pas de tout mon cœur ! Car elle est spirituelle, autant que j’en puis en juger ; elle est jolie, si mes yeux ne me trompent pas ; elle est fidèle, comme elle me l’a prouvé. Aussi, comme une fille spirituelle, jolie et fidèle, régnera-t-elle constamment sur mon cœur.

 

Acte II Scène 7 :

Le prince de Maroc (évoquant Portia) : Eh ! c’est cette noble dame ! Tout le monde la désire : des qutre coins du monde, on vient baiser la châsse de la sainte mortelle qui respire ici. Les déserts de l’Hyrcanie, les vastes solitudes de l’immense Arabie, sont maintenant autant de grandes routes frayés par les princes qui visitent la belle Portia ! L’empire liquide, dont la crête ambitieuse crache à la face di ciel, n’est pas une barrière qui arrêtent les soupirants lointains : tous la franchissent, comme un ruisseau, pour voir la belle Portia.

 

Acte III Scène 1 :

Shylock explique les raisons de sa haine envers Antonio : Il m’a couvert d’opprobre, il m’a fait tort d’un demi million, il a ri de mes pertes, il s’est moqué de mes gains, il a conspué ma nation, traversé mes marchés, refroidi mes amis, échauffé mes ennemis ; et quelle est sa raison ? … Je suis un juif ! Un juif n’a-t-il pas des yeux ? Un juif n’a-t-il pas des mains, des organes, des proportions, des sens, des affections, des passions ? N’est-il pas nourri de la même nourriture, blessé des mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, échauffé et refroidi par le même été et par le même hiver qu’un chrétien ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Si vous nous empoisonnez, est-ce que nous ne mourons pas ? Et si vous nous outragez, est-ce que nous ne nous vengerons pas ? Si nous sommes comme vous du reste, nous vous ressemblerons aussi en cela. Quand un chrétien est outragé par un juif, où met-il son humilité ? A se venger ! Quand un juif est outragé par un chrétien, où doit-il, d’après l’exemple chrétien, mettre sa patience ? Eh bien, à se venger ! La perfidie que vous m’enseignez, je la pratiquerai, et j’aurai du malheur, si je ne surpasse pas mes maîtres.

 

Acte III Scène 5 :

Jessica (à son mari Lorenzo) : Lancelot (valet de Shylock)  me dit nettement qu’il n’y a point de merci pour moi dans le ciel, parce que je suis une fille de juif, et il prétend que vous êtes un méchant membre de la République parce qu’en convertissant les juifs en chrétiens, vous haussez le prix du porc.

Lorenzo (à Lancelot) : J’aurais moins de peine à me justifier de cela devant la République que vous de la rotondité de la négresse. La fille maure est grosse de vous, Lancelot.

Lancelot : Tant mieux, si elle regagne en embonpoint ce qu’elle perd en vertu. Ce la prouve que je n’ai pas peur de la Maure.

Lorenzo : Comme le premier sot venu peut jouer sur les mots ! Je crois que bientôt la meilleure grâce de l’’sprit sera le silence, et qu’il n’y aura plus de mérite à parler que pour les perroquets.

 

Acte IV Scène 1 :

Portia (se faisant passer pour un docteur en droit) : La clémence ne se commande pas. Elle tombe du ciel, comme une pluie douce, sur le lieu qu’elle domine ; double bienfaisance, elle fait du bien à celui qui donne et à celui qui reçoit. Elle est la puissance des puissances. Elle sied aux monarques sur leur trône, mieux que leur couronne. Leur sceptre représente la force du pouvoir temporel, il est l’attribut d’épouvante et de majesté dont émanent le respect et la terreur des rois. Mais la clémence est au-dessus de l’autorité du sceptre, elle trône dans le cœur des rois, elle est l’attribut de Dieu même ; et le pouvoir terrestre qui ressemble le plus à Dieu est celui qui tempère la justice par la clémence. Ainsi, juif, bien que la justice soit ton argument, considère ceci : qu’avec la stricte justice nul de nous ne verrait le salut. C’est la clémence qu’invoque la prière, et c’est la prière même qui nous enseigne à tous à faire acte de clémence.

 

 

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4 juillet 2011 1 04 /07 /juillet /2011 12:40

romeo.jpegAprès avoir adoré les films « Roméo + Juliette » de Baz Luhrmann et « Shakespeare in love » de John Madden, il était temps que je me livre à la lecture de ce roman du grand maître Shakespeare.

C’est par l’intermédiaire d’un tout petit livre de 9 cm sur 12 avec une jolie couverture bleue et bordé d’enluminures dorées que je me suis plongée dans cette aventure tant attendue malgré toutes mes connaissances à son sujet. Les traductions sont de François Victor-Hugo et il y a quelques illustrations en noir et blanc.

Sûrement le plus romantique, évidemment le plus beau pour les amoureux, Roméo et Juliette est un recueil de toute beauté, une ode à l’amour qui ne peut laisser indifférent. Son auteur y a mis ton son talent, tout son cœur, toute son humanité pour faire vivre aux lecteurs l’Amour avec un grand A. Les dialogues sont une pure merveille, les échanges entre nos deux jeunes tourtereaux sont emprunts de miel suave et délicat, c’est une douce mélodie qui titille nos oreilles et nous fait esquisser un sourire de satisfaction voire d’envie. L’humour y est aussi présent, certaines répliques font franchement rire surtout si on imagine la scène dans toute son ampleur. Puis ce sera au tour de la tristesse de nous envahir lors de cette fin inévitable et trop célèbre.

Avant de vous livrer quelques extraits mûrement choisis - un choix difficile d’ailleurs-, je tiens à préciser que « Roméo + Juliette » tant critiqué (car trop décalé) est très fidèle au roman et c’est avec joie et émotion que j’ai relu certains passages absolument identiques au mot près. Cela met à nouveau en avant la qualité du scénario et surtout le jeu magnifique des acteurs si jeunes à l’époque et pourtant déjà prometteurs. Quant à « Shakespeare in love », il respecte aussi le livre et complète parfois les passages survolés du film précédent.

 

 

Place aux extraits qu’ouvre ce prologue :

 

Deux familles, égales en noblesse,

Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,

Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles

Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.

Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies

A pris naissance, sous des étoiles contraires, en couple d’amoureux

Dont la ruine néfaste et lamentable

Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.

Les terribles péripéties de leur fatal amour

Et les effets de la rage obstinée de ces familles,

Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,

Vont en deux heures être exposés sur notre scène.

Si vous daignez nous écouter patiemment,

Notre zèle s’efforcera de corriger notre insuffisance.

 

 

Acte I scène 1 : les parents de Roméo cherchent leur enfant et demande de l’aide à Benvolio leur neveu. Le père dit :

« Voilà bien des matinées qu’on l’a vu là augmenter de ses larmes la fraîche rosée du matin et à force de soupirs ajouter des nuages aux nuages. Mais, aussitôt que le vivifiant soleil commence, dans le plus lointain orient, à tirer les rideaux ombreux du lit de l’Aurore, vite mon fils accablé fuit la lumière ; il rentre, s’emprisonne dans sa chambre, ferme ses fenêtres, tire le verrou sur le beau jour, et se fait une nuit artificielle. »

 

Les parents sortent de scène, arrive Roméo qui se confie à Benvolio :

 

« L’amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c’est une flamme qui étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c’est une mer qu’alimentent leurs larmes. Qu’est-ce encore ? la folle, la plus raisonnable, une suffocante amertume, une vivifiante douceur. » (Il évoque ici son amour pour Rosaline, il n’a pas encore vu Juliette)

 

Acte I scène 5 : premier échange entre Roméo et Juliette (extrait très proche du film Roméo + Juliette) :

 

Roméo, prenant la main de Juliette : Si j’ai profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, je suis prêt à une douce pénitence : permettez à mes lèvres, comme à deux pèlerins rougissants, d’effacer ce grossier attouchement par un tendre baiser.

Juliette : Bon pèlerin, vous êtes trop sévère pour votre main qui n’a fait preuve en ceci que d’une respectueuse dévotion. Les saintes mêmes ont des mains que peuvent toucher les mains des pèlerins ; et cette étreinte est un pieux baiser.

Roméo : Les saintes, n’ont-elles pas des lèvres, et les pèlerins aussi ?

Juliette : Oui, pèlerin, des lèvres vouées à la prière.

Roméo : Oh ! alors, chère sainte, que les lèvres fassent ce que font les mains. Elles te prient ; exauce-les, de peur que leur foi ne se change en désespoir.

Juliette : Les saintes restent immobiles, tout en exauçant les prières.

Roméo : Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l’effet de ma prière. (Il l’embrasse sur la bouche.) Vos lèvres ont effacé le péché des miennes.

Juliette : Mes lèvres ont gardé pour elles le péché qu’elles ont pris des vôtres.

Roméo : Vous avez pris le péché de mes lèvres ? O reproche charmant ! Alors rendez-moi mon péché. (Il l’embrasse encore.)

Juliette : Vous avez l’art des baisers.

 

Acte II scène 2 : la scène du balcon (inévitable !) :

Roméo : Il se rit des plaies celui qui n’a jamais reçu de blessures ! (Apercevant Juliette à une fenêtre.) Mais doucement ! Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l’Orient, et Juliette est le soleil ! Lève-toi, belle aurore, et tue la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur, parce que toi, sa prêtresse, tu es plus belle qu’elle-même ! Ne sois plus sa prêtresse, puisqu’elle est jalouse de toi ; sa livrée des vestale est maladive et blême, et les folles seules la portent : rejette-la !... Voilà ma dame ! Oh ! voilà mon amour ! Oh ! si elle pouvait le savoir !... Que dit-elle ? Rien… Elle se tait… Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre… Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu’à ce qu’elles reviennent. Ah ! si les étoiles se substituaient  à ses yeux, en même temps que ses yeux aux étoiles, le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres, comme le grand jour, une lampe ; et ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n’est plus. Voyez comme elle appuie sa joue sur sa main ! Oh ! que ne suis-je le gant de cette main ! Je toucherai sa joue !

Juliette : Hélas !

Roméo : Elle parle ! Oh ! parle encore, ange resplendissant ! Car tu rayonnes dans cette nuit, au-dessus de ma tête, comme le messager ailé du ciel, quand, aux yeux bouleversés des mortels qui se rejettent en arrière pour le contempler, il devance les nuées paresseuses en vogue sur le sein des airs !

Juliette : O Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.

(La tirade de Roméo est bien plus longue ici que dans les deux films, c’est pourquoi je vous l’ai intégralement proposée, si vous voulez lire la suite je vous invite à lire mon article sur Roméo + Juliette car elle est identique.)

 

Acte III scène 2 : Juliette attendant la visite de Roméo pour leur nuit de noce :

Retournez au galop, coursiers aux pieds de flamme, vers le logis de Phébus ; déjà un cocher comme Phaéton vous aurait lancé dans l’ouest et aurait ramené la nuit nébuleuse… Etend ton épais rideau, nuit vouée à l’amour, que les yeux de la rumeur se ferment et que Roméo bondisse dans mes bras, ignoré, inaperçu ! Pour accomplir leurs amoureux devoirs, les amoureux y voient assez à la lueur de leur beauté ; et, si l’amour est aveugle, il s’accorde d’autant mieux avec la nuit… Viens, nuit solennelle, matrone au sobre vêtement noir, apprends-moi à perdre, en la gagnant, cette partie qui aura pour enjeux deux virginités sans tache ; cache le sang hagard qui se débat dans mes joues, avec ton noir chaperon, jusqu’à ce que le timide amour, devenu plus hardi, ne voie plus que chasteté dans l’acte de l’amour ! A moi, nuit ! Viens, Roméo, viens : tu feras le jour de la nuit, quand tu arriveras sur les ailes de la nuit, plus éclatant que la neige nouvelle sur le dos du corbeau. Viens, gentille nuit ; viens, chère nuit au front noir, donne-moi mon Roméo, et, quand il sera mort, prends-le et coupe-le en petites étoiles, et il rendra la face du ciel si splendide que tout l’univers sera amoureux de la nuit et refusera son culte à l’aveuglant soleil… Oh j’ai acheté un domaine d’amour, mais je n’en ai pas pris possession, et celui qui m’a acquise n’a pas encore joui de moi. Fastidieuse journée, lente comme la nuit l’est, à la veille d’une fête, pour l’impatiente enfant qui a une robe neuve et ne peut la mettre encore ! Oh ! voici ma nourrice…

(Elle lui apprendra alors le décès de Roméo.)

 

Acte V scène 3 : Roméo découvrant le corps sans vie de Juliette.

O mon amour ! ma femme ! La mort qui a sucé le miel de ton haleine n’a pas encore eu de pouvoir sur ta beauté : elle ne t’a pas conquise ; la flamme de la beauté est encore toute cramoisie sur tes lèvres et sur tes joues, et le pâle drapeau de la mort n’est pas encore déployé là… [ …] Ah ! chère Juliette, pourquoi es-tu si belle encore ? Dois-je croire que le spectre de la Mort est amoureux et que l’affreux monstre décharné te garde ici dans les ténèbres pour te posséder ?.... Horreur ! Je veux rester près de toi, et ne plus sortir de ce sinistre palais de la nuit ; ici, ici, je veux rester avec ta chambrière, la vermine ! Oh ! c’est ici que je veux fixer mon éternelle demeure et soustraire au joug des étoiles ennemies cette chair lasse du monde… (Tenant le corps embrassé.) Un dernier regard, mes yeux ! bras, une dernière étreinte ! et vous, lèvres, vous, portes de l’haleine, scellez par un baiser légitime un pacte indéfini avec le sépulcre accapareur ! (Saisissant la fiole.) Viens, amer conducteur, viens, âcre guide. Pilote désespéré, vite ! lance sur les brisants ma barque épuisée par la tourmente ! A ma bien-aimée ! (Il boit le poison.) Oh ! l’apothicaire ne m’a pas trompé : ses drogues sont actives. Je meurs ainsi… sur un baiser ! (Il expire en embrassant Juliette.)

 

 

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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 01:43

cesar.jpegHistoire mythique que celle de Jules César, amant de Cléopâtre, reine d’Egypte, avec laquelle il a eu son unique fils : Césarion. En effet, il n’a pas eu d’enfant avec son épouse Calpurnia. On ne parle pas de Jules César sans évoquer Brutus l’un de ses meurtriers. Ici Shakespeare a évité toute allusion à cette paternité supposée dont Servilia serait la mère d’après Suétone (Jules César, 82).

Cette tragédie ne se déroule que sur quelques jours, le temps de mettre en place l’attentat contre César et de poursuivre les agresseurs. Pas de Cléopâtre donc, mais un César et un Brutus au premier plan. C’est d’ailleurs lui-même qui a sa place en quatrième de couverture puisque c’est une de ses répliques qui est mise en avant. Réplique que j’avais cochée, tant elle est forte et émouvante à la fois et qui fera partie de mes citations.  

 


J’aurais dû lire ce livre avant Antoine et Cléopâtre, mais à l’époque je ne le possédais pas encore, donc lecteur, tu sauras dans quel ordre lire ces deux tragédies si le cœur t’en dit. Bien mieux écrit (ou traduit) qu’Antoine et Cléopâtre, Jules César se lit vite et passionne rapidement. En effet, il n’y a pas de temps mort, on démarre par le complot orchestré par Marcus Brutus, Cassius, Casca, Trébonius, Ligarius, Décius Brutus, Métellus Cimber et Cinna qui s’opposaient à ce que César puisse hériter de la couronne de Rome, qu’il avait pourtant lui-même refusé par trois fois alors que Marc-Antoine la lui tendait. Bien entendu, nul ne prêtera suffisamment attention au Devin qui les priera de craindre les Ides de Mars, expression bien connu depuis. Ce qui est bien connu de tous arrivera, César périra sous les coups de poignards de ses assaillants. Ses amis s’engageront alors dans une terrible vendetta qui n’épargnera personne.

La préface d’Yves Bonnefoy est réellement très intéressante mais je vous conseille de la lire après la tragédie. En effet, il y a des extraits du roman qui sont expliqués plus en détails et qui sont très importants. Aussi est-il préférable de ne pas savoir en avance ce qui va se passer pour ne pas gâcher notre bon plaisir de lecture. Yves Bonnefoy ajoute des petites touches historiques et corrige même certaines erreurs.

 

 

Place maintenant comme d’habitude à quelques citations :

 

Acte 1 scène 1 :

Un ouvrier : Je ne vis que pour mon alêne. Les artisans, les femmes, je ne me mêle pas de leurs affaires : et pourtant je les tiens tous en haleine. Je suis le chirurgien des vieilles godasses. Oui, monsieur. Si elles trépassent, qu’on me les passe ! Ah, combien d’hommes ont passé sur le travail de mes mains ! Jamais plus élégants n’ont marché sur de la vache !

 

Acte 1 scène 3 :

Casca : N’êtes-vous pas ému, quand tout l’ordre du monde tremble, porte déjointe ? O Cicéron, j’ai vu des ouragans dont les vents pleins de cris fendaient le tronc nouveau des chênes. J’ai vu, parfois, l’ambitieux océan se gonfler, de rage, d’écume, jusqu’à toucher les nuées menaçantes. Mais jamais avant cette nuit, jamais jusqu’à présent je n’avais traversé de tempête de feu… Soit la discorde est dans le ciel et le déchire, soit le monde trop insolent a irrité les dieux, qui lui envoient mort et désastre.

 

Acte 2 scène 2 :

Calpurnia : César, je n’ai jamais cru aux présages, mais aujourd’hui ils m’effrayent. Un homme est là qui, à ce que nous avons vu et entendu, ajoute de terribles merveilles vues par le guet. Une lionne a mis bas dans la rue, des tombes ont bâillé et vomi leurs morts, et des soldats en feu ont heurté dans les nues les farouches rangées de leurs bataillons. Le brouillard de leur sang couvrit le Capitole, le bruit de leur combat transperça le ciel, et l’on a entendu leurs chevaux hennir, leurs mourants geindre et des spectres glapir et siffler dans nos rues ! O César ! Tout cela dépasse la nature et me fait peur !


Acte 3 scène 1 : César vient d’être assassiné :

Antoine : Oh César, il est vrai que je t’aimais, et ton esprit, s’il nous contemple maintenant, ne s’afflige-t-il pas, bien plus que de ta mort, de voir ton cher Antoine avec tes adversaires faisant sa paix, serrant leurs doigts sanglants, ô très noble ! et cela devant ton corps ? Si j’avais autant d’yeux que toi de blessures, et pleurais aussi fort que ton sang coule, cela me siérait mieux que de venir ainsi faire amitié avec tes ennemis. Pardonne-moi, César. Ici tu fus aux abois, brave cerf, ici tu es tombé. Et voici tes chasseurs, souillés de ta dépouille, empourprés de ta mort. Monde, tu as été la forêt de ce cerf, et lui, c’était ton cœur. Ah, que tu sembles, pauvre bête abattue, le hallali d’une chasse de princes !

 

Antoine : Ô peu de terre ensanglantée, pardonne-moi si je suis aussi humble avec ces bouchers ! Tu es la ruine de l’homme le plus noble qui fut jamais dans le cours des temps. Malheur à qui versa ton sang précieux ! Sur tes plaies, ces bouches muettes, mais qui ouvrent leurs lèvres de rubis pour réclamer le secours de ma voix, je prophétise qu’une malédiction va fondre sur les hommes. Domestiques fureurs, âpres guerres civiles vont désoler la terre d’Italie. Sang et ruine seront monnaie si courante, les spectacles affreux si familiers que les mères n’auront plus qu’un sourire quand leurs enfants seront écartelés par les mains de la guerre. Toute pitié s’étouffera dans le pli de l’horrible, et l’âme de César en quête de vengeance, avec Até surgie brûlante de l’Enfer, criera : « Pas de quartier ! » de sa voix de monarque, lâchant sur nos pays ses chiens de combat. Ô puanteur qu’exhalera ce crime sur la terre chargée de débris de corps implorant sépulture !

 

Acte 3 scène 2 :

Brutus (extrait quatrième de couverture) : Romains, mes concitoyens, mes amis ! Ecoutez-moi plaider ma cause, et taisez-vous pour mieux entendre je vous prie. Je vous demande de me croire sur l’honneur. Et d’avoir égard à mon honneur pour me croire. Jurez-moi dans votre sagesse. Et pour juger le mieux possible, tenez vos sens en éveil. S’il y a parmi vous quelque vrai ami de César, eh bien, qu’il sache que l’amour que Brutus portait à César n’était pas moindre que le sien. Et s’il demande pourquoi Brutus s’est dressé contre César, voici ma réponse : je n’aimais pas César moins, j’aimais Rome davantage. Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres ? César m’aimait, je le pleure. Il connut le succès, je m’en réjouis. Il fut vaillant, je l’honore. Mais il fut ambitieux et je l’ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d’être esclave ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d’être un Romain ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est abject au point de ne pas aimer son pays ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Je m’arrête et j’attends.

 

Antoine : Si vous avez des pleurs, préparez-vous à les répandre. Vous connaissez ce manteau. Je me souviens de la première fois que César l’a porté. C’était un soir d’été, sous sa tente, le jour de la défaite des Nerviens. Voyez-le, maintenant. Ici a pénétré la dague de Cassius. Ici, cette déchirure, c’est de Casca, le fourbe. Et là, Brutus, le bien-aimé, a frappé. Quand il retira son fer maudit, voyez comment le sang de César s’est jeté à sa suite, au-dehors, pour se convaincre que c’était bien Brutus qui avait frappé. Car César le tenait pour son ange, vous le savez : jugez, ô dieux, comme il devait l’aimer. Certes ce fut l’atteinte la plus cruelle. Quand César eut compris, l’ingratitude, plus forte que les bras perfides, l’a vaincu. C’est alors qu’a cédé son vaste cœur. Dans son manteau il a caché sa face, et sous la statue même de Pompée, qui ne cessait de répandre du sang, le grand César est tombé. Quelle chute, citoyens ! Moi, vous, nous tous sommes tombés avec lui, sous la sanguinaire trahison… Mais vous pleurez. Je vois que la pitié vous a touchés au cœur. Ô pieuses larmes ! Et de notre César pourtant, âmes aimantes, vous ne pleurez que le manteau blessé. Mais voyez-le lui-même, ici, navré par la main des traîtres ! (Il arrache le manteau).

 

Acte 4 scène 1 :

Antoine : Je compte plus de jours que vous, Octave ! Si pour nous libérer de la calomnie nous plaçons sur lui tant d’honneurs, c’est pour qu’il les transporte comme l’âne, tiré, poussé, suant et gémissant, porte l’or où nous le voulons. Mais quand Lépide aura mis en lieu sûr notre trésor, nous le déchargerons pour qu’il s’en aille, comme l’âne au repos, paître au pré communal en remuant les oreilles.

 

 

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 17:35

sonnets

 

 

Sans plus attendre le dernier volet des sonnets de Shakespeare, si vous souhaitez relire les précédents, cliquer :

- les sonnets 1

- les sonnets 2


Cédez à votre gourmandise, une si belle langue se déguste sans faim....

 

 

 

 

Sonnet XVIII

Quand tu voudras me prendre à la légère

Et me railler sur un air de chanson,

Contre moi-même avec toi, pour te plaire,

Je nommerai vertu la trahison.

 

Bien mieux que toi, je sais une raison,

Un secret pour me perdre, et je vais faire

A ton usage un récit de l’affaire :

Il te vaudra de l’honneur ! – De façon

 

Que par ceci, j’y gagnerai moi-même,

Car ne pensant qu’à toi, puisque je t’aime,

Ton avantage est doublement le mien,

 

Serait-ce au prix d’un tort que je m’inflige. –

Je suis à toi, je t’aime assez, te dis-je,

J’accepterai tout le mal pour ton bien.

 

Sonnet XIX

Ce n’est point tout mon mal, qu’elle soit ton amie,

Et tu sauras pourtant que je l’aimais beaucoup ;

Que tu sois son ami, ma peine est infinie,

La perte d’un tel bien m’accable plus que tout.

 

Amants injurieux ! Mon excuse pour vous,

C’est qu’Il t’aime sachant combien je t’apprécie,

Et qu’Elle te permet cet amour des plus doux

Parce que l’amitié l’un et l’autre nous lie…

 

Lui perdu, c’est un gain pour mon amour, tant mieux !

Elle perdue, eh ! bien, mon ami l’a trouvée ;

Ils se trouvent l’un l’autre et je les perds tous deux ;

 

Mais c’est en mon honneur, la chose m’est prouvée,

Qu’ils m’ont mis cette croix sur le dos. Et, ma foi,

Deux amis ne font qu’un : elle n’aime que moi.

 

Sonnet XXII

Quel élixir de larmes de Sirène

Né dans l’enfer d’un alambic malsain

Ai-je donc bu, changeant mon plaisir en peine,

Espoir en crainte, en perte tout mon gain ?

 

De quelle erreur mon cœur était-il plein

Qui savourait sa chance plus qu’humaine !

Et dans la fièvre alors de la géhenne

Combien mes yeux s’égarèrent soudain,

 

Maos, ô bienfait du mal ! si l’on ignore

Que le meilleur par le mal s’améliore

Et que l’amour – à présent je le sais –

 

Renaît plus fort, plus beau de sa ruine :

J’y fus déçu, mais sans qu’il m’en chagrine,

Riche trois fois de mécomptes passés.

 

Sonnet XXIII

Je n’admettrai jamais de divorce valable

Au mariage des esprits ; l’amour n’est pas

L’amour, s’il doit changer quand on change ici-bas,

Quitter quand on le quitte et par un mal semblable,

 

Oh ! non. Voici l’amour : un phare inébranlable

Qui regarde les flots tumultueux ; l’éclat

D’une étoile guidant la nef qui se débat,

Sans prix, dans sa hauteur vainement calculable.

 

Il n’est pas le jouet du Temps, bien que la rose

Du visage demeure à l’ombre de la faux :

Il ne s’altère point comme le temps dispose ;

 

Et si ce que j’affirme en ce langage est faux,

Avant le dernier Jour s’il connaît sa défaite,

Nul n’a jamais aimé, je ne suis pas poète.

 

 

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 01:09

Voilà la suite tant attendue par certains amis fidèles, je vous la livre prestement en espérant qu'elle vous comblera tout autant....

 

Pour voir la première page cliquer ici

 

sonnets

 

 

 

Sonnet VII

Le péché d’amour-propre à tel point me possède

Que mes yeux, que ma chair, que mon cœur en est plein ;

Contre un péché semblable il n’est point de remède,

Tant sa marque est profonde et gravée en mon sein.

 

Nul visage, à mon gré, n’est plus beau que le mien ;

Nul charme n’est plus vrai que celui qui m’obsède :

Devant ma vérité, toute vérité cède ;

Auprès de ma valeur, toute valeur n’est rien.

 

Mais lorsque en un miroir je connais mon visage,

Tout flétri, tout mordu des morsures de l’âge,

J’entends mieux le secret de pareilles amours :

 

S’aimer, s’aimer ainsi, ce serait une injure ;

Mais moi-même, c’est Toi, ma beauté, ma parure,

Et mon âge s’est peint des fraîcheurs de tes jours !

 


Sonnet IX

Quand, mal vu par le sort et les yeux des humains,

Déplorant mon état de réprouvé sur terre,

Je maudis mon malheur, de moi-même me plains,

Et fatigue le Ciel de mon cri solitaire ;

 

Envieux de celui dont les vœux sont moins vains,

De son cercle d’amis, de son talent pour plaire,

De la beauté d’un tel et de l’art de certains,

Et jamais satisfait de ce que je sais faire ;

 

Quand, parmi ces pensers, dans le mépris de moi,

Je songe à Vous, - soudain, dans la naissante aurore

Ma fortune, pareille à l’alouette, monte,

 

Et chante au ciel, bien loin d’une terre de honte,

Et votre amour très douce et brillante me dore,

Et me fait riche au point que j’en dédaigne un roi.

 


Sonnet XIII

L’amour est mon péché ; votre vertu, la haine,

La haine du péché que je porte en mon sein :

Comparez votre état, je vous en prie, au mien,

Et ma faute à vos yeux paraîtra moins certaine.

 

Ou, venant de ta bouche, un tel reproche est vain

Quand elle a profané sa pourpre et son haleine,

Scellé des faux serments comme j’ai fait, sereine,

Et volé de l’amour au lit de ton prochain.

 

Qu’il me soit donc permis de t’aimer comme, certe,

A d’autres tu portas tes importunités :

Qu’à la compassion votre âme soit ouverte

 

Afin que nous sachions si vous la méritez !

Si là-bas tu requiers ce qu’ici tu refuses,

Ton exemple est mauvais, bonnes sont mes excuses.

 


Sonnet XVII

J’aime mieux être vil que d’être estimé tel

Quand de ne l’être pas fait que l’on m’en accuse,

Quand j’y perds des plaisirs qu’un homme se refuse,

Jugeant par d’autres yeux de son bien personnel :

 

Et pourquoi le douteux regard d’un autre (et quel ?)

Devrait-il approuver ce beau sang qui s’amuse,

Si d’un moindre pécheur un pécheur plus réel

Espionne et reprend ce que j’aime sans ruse ?

 

Non ! véritablement ; je suis ce que je suis.

Qu’on se juge soi-même alors qu’on me poursuit :

Je puis bien marcher droit si leur marche est oblique ;

 

Ce n’est pas à leur vice à tracer mon portrait,

A moins que de prétendre, injurieux excès,

Que tout homme est pourri dans notre république.

 

 

 

 

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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 01:44

sonnets.jpegVoilà un chef d’œuvre sur lequel j’ai eu la chance de tomber en fouinant dans les librairies de Bruxelles. Un vieil ouvrage taché, jauni, déchiré, abîmé par les outrages du temps mais dont le contenu est sans conteste un trésor pour les yeux, une douce mélodie émanant des Temps Modernes dans la froideur de l’Angleterre. Ce qui est fantastique c’est que cet ouvrage présente les textes originaux sur la page de gauche en vieil anglais et les traductions françaises du poète Mélot du Dy sur la page de droite. Ainsi il est plaisant de lire d’abord le texte original, d’essayer d’en capter le sens général et parfois même quelques vers entiers et puis de se laisser aller à la découverte plus fine du texte en français.  Mélot du Dy précise dans la préface que les sonnets de Shakespeare pourraient dans leur ensemble s’appeler le Roman de Shakespeare. Ils nous content en effet l’historique pathétique, de son double amour. Le roman comporte cent cinquante quatre sonnets ou chapitres qui parfois se répètent. C’est pour cela que Mélot du Dy s’est concentré sur vingt-cinq sonnets en tentant de rendre l’interprétation vivante. Il conclut en écrivant : « Les sonnets de Shakespeare, haut poème de la Renaissance, nous apparaissent ainsi comme un de ces paysages de montagne devant lesquels il doit être permis au simple copiste de poser en plein air, même si cet air l’enivre un peu trop, son chevalet. »

 

En tournant la première page, je découvre un second trésor : une page de « Le journal des poètes » de décembre 1954. On y consacre un article sur Mélot du Dy, sur la grâce et la fantaisie de ses écrits. Je cite quelques extraits de l’article : « Les réalités belles ou laides, les émotions tristes ou joyeuses, ne sont pas livrées dans leur nudité, telle que le poète les a vues ou ressenties. L’artiste transpose toujours et dans le ton que lui impose son tempérament. L’auteur de « Jeu d’ombres » les revêt, précisément, d’un voile de discrétion ou de pudeur comme ces nus antiques de Ménades ou de statues funéraires. Les formes n’en sont pas, pour cela, étouffées, mais soulignées ou tempérées selon les circonstances. Les plis de ces voiles enchaînent le rêve dans leurs courbes ou aiguisent la curiosité dans sa recherche du trait révélateur. […] Son ironie il s’en sert pour dissimuler les vibrations trop aigues de sa sensibilité. Il s’en sert également pour décrire des ridicules, et ceci avant ceux-là qui, aujourd’hui font rire peut-être mais hélas jamais sourire. [….] Il connaît la densité des mots, joue avec leur éclat comme un joaillier, et fait preuve, a-t-on dit, d’un art si savant qu’il paraît le plus simple du monde. » Tout cela laisse rêveur. Ce journaliste Philippe Jones aurait pu être un poète aussi, ne trouvez-vous pas cet extrait sublime ! Pourquoi n’écrivons-nous plus ainsi aujourd’hui ? Plusieurs poèmes de Mélot du Dy sont cités au-dessous, je vous en présente deux :

 

           La sirène                                                                                           La gisante 

Lointaine rumeur de la vie                                                             Tu souris, dormeuse

Un jour, un seul pour mes regards,                                               Au marbre figée,

Océan de tous les hasards                                                               Entre la nuit creuse

Et de monotonie.                                                                               Et l’aube ridée,

                                                                                                         Dans un coin d’église.

Je t’imagine sur les plages,                                                            Un pas de chaisière

Amour pareil à mon erreur !                                                         Traîne sur les dalles,

Assez de vie et de fureur                                                                Un rais de lumière

Pour déplacer les coquillages…                                             Touche tes mains pâles,

                                                                                                                Prière immobile.

Ces flots dans la chambre, lumière                                                  La mort sollicite

Sue mes mains d’aveugle. Voici                                                      Un geste de joie,

Ton premier silence ébloui,                                                        Mais comme on hésite

Voici ma chance, la dernière,                                                      Avant qu’on y croie…

                                                                                                             Et tu sembles vivre.

Vite, et saisir ce qui se donne,                                                       Dors ! Je m’aventure

L’aurore d’une épave, un sein                                                  Dans les jours informes,

Délicieux : regarde bien !                                                                  O présence pure

Vite et mourir. Personne.                                                             Afin que tu dormes

                                                                                                                Image d’amie.

 

 

sonnets2.jpeg

 

Place maintenant à William ! Je vous ai choisi 11 sonnets qui m’ont particulièrement plu.

 

Sonnet I

Regarde ton miroir, et dis à ce visage

Que les temps sont venus d’en former un nouveau ;

Car si tu refusais d’en faire un aussi beau,

Tu décevrais le monde et quelque vierge sage :

 

Quelle belle, en effet, pour un moins doux fardeau,

Dédaignerait ici ton marital usage,

Et, de son propre bien préférant le tombeau,

Quel sot consentirait à briser son lignage ?

 

Tu sembles le miroir de ta mère ; elle, en toi,

Rappelle la fraîcheur de l’avril de sa vie :

Par la vitre de l’âge, en un pareil émoi,

 

Vieillard, tu reverras ta jeunesse fleurie.

Mais qui veut vivre seul, pour que chacun l’oublie,

Mourra seul, emportant son image avec soi.

 


Sonnet III

Ces heures dont le clair travail accomplissait

La charmante merveille où tout regard s’arrête

Blesseront quelque jour cette chose bien faite,

Ravissant la beauté de qui nous ravissait ;

 

Car le temps, sans répit, mènera le succès

De l’été triomphant à l’hiver, sa défaite ;

Le froid surprend la fleur ; la feuille, de son faîte,

S’abat ; la neige enfin recouvre un noir décès.

 

Mais l’esprit, mais l’essence adorable demeure,

Le parfum de l’été dans sa prison de gel,

Afin qu’à tout jamais toute gloire ne meure :

 

Ce n’est donc qu’un aspect fugitif que l’on pleure,

Et la fleur, distillée en délice immortel,

Au mépris de l’hiver nous ravit tout à l’heure.

 


Sonnet IV

Ni marbre blanc, ni monument doré

Ne survivront à ces rimes princières ;

Tu brilleras chez moi plus honoré

Qu’un temple impur de temps et de poussières,

 

Et quand l’excès des armes et des guerres

Aura le temple et le socle rasé,

Ni fer, ni feu n’atteindra sur mes terres

Ton souvenir en ces lieux déposé.

 

Malgré la mort et l’ennemi farouche,

Tu poursuivras ton destin ; par ma bouche,

Et jusqu’au jour du dernier jugement,

 

Le monde encore entendra ta louange ;

Oui, tu vivras jusqu’à l’appel de l’ange,

Dans ce poème et les yeux d’un amant.

 

 

 

La suite viendra prochainement et si vous souhaitez avoir les textes originaux, n'hésitez pas à me les demander....

 

 

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                               Comme il vous plaira

                               beaucoup de bruit pour rien

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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 02:50

Un très bon Shakespeare, une bonne découverte que je vous conseille vivement. Si le talent du dramaturge y trouve encore toute sa place, cette histoire est un peu différente des autres et c’est aussi bien. Pas de crise politique comme dans Jules César ou Antoine et Cléopâtre, pas d’histoire d’amour comme dans Roméo et Juliette, pas de trahison comme dans Othello ou MacBeth, juste une histoire familiale qui se rapprocherait davantage d’Hamlet.

 

lear 1Le roi Lear a trois filles. Sentant la fin de ses jours proches, il décide de partager son royaume à ses filles et de léguer ses pouvoirs. Afin de déterminer le partage, il demande à ses filles de décrire l’amour qu’elles portent à leur père. Si les deux aînées Gonéril et Régane se confondent en compliments exagérés qu’on perçoit aisément comme de l’hypocrisie, la benjamine Cordélia refuse de rentrer dans ce jeu impropre et se déclare plus simplement, plus sincèrement mettant en doute les paroles de ses sœurs. Elle subira alors la colère et la déception de son père et sera bannie tout comme l’ami fidèle du roi Kent qui essaya de s’interposer et de faire ouvrir les yeux à Lear. Le roi de France attendrit par la sincérité de Cordélia la prend alors pour épouse.

Les ducs d’Albany et de Cornouailles, les maris des aînées héritent donc du royaume. Par ce geste, le roi Lear entend bien recevoir en échange le gîte et l’affection de ses filles. Mais celles-ci à la longue refuseront de s’occuper de leur père vieillissant aux manies et aux volontés exacerbées. Le roi Lear, touché dans son amour propre se rend alors compte de l’erreur qu’il a commise et ne supportant pas l’attitude de ses filles va peu à peu sombrer dans la folie. Cependant il ne sera pas délaissé, Kent, déguisé, le suivra en tant que serviteur sous le nom de Caius et n’aura de cesse de le soutenir et de l’aider.

En parallèle, le duc de Gloucester vit aussi un drame familial. Edgar son fils légitime est manipulé par Edmond le fils bâtard qui désire par ce biais hériter du royaume. Edgar prend la fuite et perdra aussi la tête, se faisant appeler Tom. Kent, le roi Lear et Edgar finiront par se retrouver et traverseront ensemble les dernières épreuves qui nous amèneront aux dernières pages du livre.

 


Je vous ai sélectionné quelques extraits issus de différents actes qui je l’espère vous mettront l’eau à la bouche…. Bonne lecture :

 

1) Lorsque Lear bannit Cordélia :

Kent : Que Kent soit discourtois quand Lear est insensé ! Que prétends-tu vieillard ? Crois-tu donc que le devoir ait peur de parler, quand la puissance cède à la flatterie ? L’honneur est obligé à la franchise, quand la majesté succombe à la folie. Révoque ton arrêt, et, par une mûre réflexion, réprime cette hideuse vivacité. Que ma vie réponde de mon jugement ! La plus jeune de tes filles n’est pas celle qui t’aime le moins : elle n’annonce pas un cœur vide, la voix grave qui ne retentit pas en un creux accent.

 Lear au duc de Bourgogne : Telle qu’elle est, messire, avec les infirmités qu’elle possède, orpheline nouvellement adoptée par notre haine, dotée de notre malédiction et reniée par notre serment, voulez-vous la prendre ou la laisser ?

 

2) Gloucester se rend compte de la perfidie d'Edmond :

Gloucester : Ces dernières éclipses de soleil et de lune ne nous présagent rien de bon. La sagesse naturelle a beau les expliquer d’une manière ou d’autre, la nature n’en est pas moins bouleversée par leurs effets inévitables : l’amour se refroidit, l’amitié se détend, les frères se divisent ; émeutes dans les cités ; discordes dans les campagnes ; dans les palais, trahisons ; rupture de tout lien entre le père et le fils. Ce misérable, né de moi, justifie la prédiction : voilà le fils contre le père ! Le roi se dérobe aux penchants de la nature : voilà le père contre l’enfant ! Nous avons vu les meilleurs de nos jours. Machinations, perfidies, guets-apens, tous les désordres les plus sinistres nous harcèlent jusqu’à nos tombes…

 

3) Lorsque les deux filles refusent de s'occuper de leur père vieillissant :

Le Fou : Quelle merveilleuse parenté peut-il y avoir entre toi et tes filles ? Elles veulent me faire fouetter si je dis vrai ; toi, tu veux me faire fouetter si je mens. Et parfois je suis fouetté si je garde le silence. J’aimerais mieux être n’importe quoi que fou, et pourtant je ne voudrais pas être toi, mon oncle : tu as épluché ton bon sens des deux côtés et tu n’as rien laissé au milieu. Voilà venir une des épluchures.

Lear (parlant de Gonéril à son mari) : Ecoute, nature, écoute ! Chère déesse, écoute ! Suspends ton dessein, si tu t’es proposé de rendre cette créature féconde ! Porte la stérilité dans sa matrice ! Dessèche en elle les organes de la génération, et que jamais de son corps dégradé il ne naisse un enfant qui l’honore ! S’il faut qu’elle conçoive, dorme de fiel son nourrisson, en sorte qu’il vive pour la tourmenter de sa perversité dénaturée ! Puisse-t-il imprimer les rides sur son jeune front, creuser à force de larmes des ravins sur ses joues, et payer toutes les peines, tous les bienfaits de sa mère en dérision et en mépris, afin qu’elle reconnaisse combien la morsure d’un reptile est moins déchirante que l’ingratitude d’un enfant…

 

4) Lear devient fou :

lear2.jpegLe Chevalier : En lutte avec les éléments courroucés : le roi somme le vent de lancer la Terre dans l’Océan, ou d’élever au-dessus du continent les vagues dentelées, en sorte que tout change ou périsse. Il arrache ses cheveux blancs, que les impétueuses rafales, avec une aveugle rage, emportent dans leur furie et mettent à néant. Dans son petit monde humain, il cherche à dépasser en violence le vent et la pluie entrechoqués. Dans cette nuit où l’ourse aux mamelles taries reste dans son antre, où le lion et le loup, mordus par la faim, tiennent leur fourrure à l’abri, il court la tête nue et invoque la destruction.

 Edgar (seul, constatant la folie du roi) : Quand nous voyons nos supérieurs partager nos misères, à peine nos malheurs nous semblent-ils ennemis. Celui qui souffre seul, souffre surtout par imagination, en pensant aux destinées privilégiées, aux éclatants bonheurs qu’il laisse derrière lui ; mais l’âme dompte aisément la souffrance, quand sa douleur a des camarades d’épreuve. Comme ma peine me semble légère et tolérable, à présent que l’adversité qui me fait courber fait plier le roi !... Il est  frappé comme père et moi comme fils !... Tom, éloigne-toi ; sois attentif aux grands bruits, et reparais dès que l’opinion qui te salissait de ses outrageantes pensées, ramenée à toi par l’évidence t’aura réhabilité. Advienne que pourra cette nuit, pourvu que le roi soit sauvé !

 

5) Kent a envoyé une lettre à Cordélia, il demande au Chevalier si elle a été émue.

Le Chevalier : Pas jusqu’à l’emportement : la patience et la douleur luttaient à qui lui donnerait la plus suave expression. Vous avez vu le soleil luire à travers la pluie : ses sourires et ses larmes apparaissaient comme au plus beau jour de mai. Ces heureux sourires, qui se jouaient sur sa lèvre mûre, semblaient ignorer les hôtes qui étaient dans ses yeux et qui s’en échappaient comme des perles tombant de dieux diamants… Bref, la douleur serait la plus adorable rareté, si tout pouvait l’embellir ainsi. […] Alors elle a secoué l’eau sainte de ses yeux célestes et en a mouillé ses sanglots ; puis brusquement elle s’est échappée pour être toute à sa douleur.

 

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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 04:37

antoine.jpegNouvelle pièce de Shakespeare qui a attiré mon attention dans une librairie d’occasion de Bruxelles mais qui ne m’a pas soulevée le cœur en fait, à ma grande déception d’ailleurs. Sur la quatrième de couverture, on peut lire : « On a souvent mal lu cette pièce qui occupe dans la production de Shakespeare une place à part, soulevée qu’elle est de bout en bout par un érotisme douloureux qui s’autorise toutes les licences, toutes les extrémités. » J’ai dû mal lire la pièce, je le crains. Je n’y ai pas vu d’érotisme, à part l’aspic qui mord le sein de Cléopâtre à la fin, mais plutôt de la vulgarité. A mon avis, il y a bien plus d’érotisme dans « Roméo et Juliette ». Toujours sur la quatrième de couverture, on lit plus loin : « Les traductions qu’en donne ici Jean Gillibert nous restituent un Shakespeare démaquillé de ses fards à la française : excessif, impudique, extravagant parfois – mais gouverné par la seule magie du verbe. » A nouveau, j’ai dû mal lire le livre. C’est sûrement celui où la beauté des mots m’a paru la plus fade. D’ailleurs, je ne vous ai sélectionné que quelques maigres extraits.

 

 

Je vais tout de même vous rassurer, ça reste du Shakespeare, parfois complexe qui nécessite la relecture d’un ant-cleo.jpegdialogue, mais je trouve qu’ici cela manque d’images, de personnifications qui sont tout de même les talents reconnus de Shakespeare. On relate dans cette pièce l’histoire d’Antoine, de Cléopâtre et de César (pas Jules mais son successeur). Le monde est aux mains de trois hommes : Antoine, Pompée et César. Cléopâtre, reine d’Egypte est la maîtresse d’Antoine. C’est un couple complexe, ils se livrent sans cesse un chassé-croisé amoureux qui nous ballote entre « elle l’aime vraiment » et « elle l’utilise ». Le côté politique est mis en avant avec justesse, on évoque des combats pour des prises de pouvoir, des ruses bien sûr, des retournements de situation, des pactes, des trahisons, bref on ne s’ennuie pas.

 

 

cleopatre.jpegSi le côté historique m’a bien plu (j’ai révisé mes cours lointains d’histoire), je suis relativement déçue par la liaison d’Antoine et de Cléopâtre. Je ne m’attendais pas à un amour enflammé à la « Roméo et Juliette », mais là, je reste sur ma fin. Cléopâtre passe pour une folle qui ne sait pas ce qu’elle veut, jouant des tours à son amant tout en lui clamant son amour. On est perdus et elle nous énerve. Certes à l’époque, c’était la seule femme de pouvoir et elle devait être avec un homme puissant pour maintenir sa position sociale, mais ici elle ressemble à Glenn Close dans « Liaison fatale » et du coup ça m’a fait un choc. Je m’attendais à la découvrir fière, majestueuse, puissante, maligne, mais en fait non, elle chute du piédestal sur lequel je l’imaginais. Mais peut-être était-elle réellement ainsi….  Antoine, récemment veuf de Fulvie, qui voue une dévotion à Cléopâtre, va tout de même s’attirer son courroux en en épousant une autre, Octavie la sœur de César, histoire de se faire ami avec ce dernier et de conserver des territoires. Mais on ne joue pas avec Cléopâtre…

 

 

Passée ma déception, place maintenant à quelques extraits qui peut-être vous donneront envie de vous laisser séduire et de vous faire votre propre opinion….

« La noblesse de la vie est de faire ainsi : quand par un tel couple, tous deux pouvant nous aimer d’un mutuel amour, j’enjoins au monde, sous peine de châtiment de nous contempler tels, haut dressés, inégalés. »

 

« Voyez-vous cela ! Si elles avaient en main de quoi me faire cocu, non seulement elles se feraient elles-mêmes putains, mais encore elles le deviendraient. »

 

«  Eh bien ! Monseigneur, offrez aux Dieux un sacrifice, en signe d’action de grâce ; quand il plaît à leurs déités de couper d’un homme sa femme, l’homme est renvoyé aux tailleurs de cette planète ; cela confirme que, lorsque les vieilles robes sont usées, il y a toujours des bouts pour qu’on en refasse des neuves. Oh ! S’il n’y avait d’autres femmes que Fulvie, oui, quelle déchirure ! le cas vaudrait qu’on se lamentât ! mais, à dire vrai, cette perte s’auréole de consolation ; votre vieille chemise, met bas un petit jupon tout neuf et, à dire vrai, je suis persuadé qu’un oignon verse assez de larmes pour bien arroser son chagrin.

- Le remue-ménage qu’elle a fait dans l’Empire ne peut supporter mon absence.

- Et le remue-ménage que vous avez fait ici ne peut plus se passer de vous. Celui surtout avec Cléopâtre qui dépend entièrement de votre…. Maintien dans les lieux. »

 

« Jamais il ne la quittera. L’âge ne peut la flétrir, ni l’habitude user son infinie variété. Les autres femmes rassasient les appétits qu’elles alimentent. Mais elle affame la même où elle assouvit car les plus viles choses deviennent, en elle, si vraies que les prêtres sacrés ne peuvent que bénir ses débordements. »

 

« O Souveraine maîtresse de vraie mélancolie, dégoutte sur moi le brouillard empoisonné de la nuit, que la vie, cette rebelle à mon désir, ne s’accroche pas à moi plus longtemps : jette contre le dur silex de ma faute mon cœur séché par la douleur, qu’il éclate en poudre, et que finissent toutes ces sales pensées ! »

 

« O cette âme félonne d’Egypte ! Ce charme terrifiant dont un regard impulsait mes armées et les rappelait, dont le sein était mon diadème, ma fin dernière ! Comme une vraie gitane, par un tour de passe-passe elle m’a amené jusqu’à l’aubier même du désastre. »

 

 

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