Sans plus attendre le dernier volet des sonnets de Shakespeare, si vous souhaitez relire les précédents, cliquer :
Cédez à votre gourmandise, une si belle langue se déguste sans faim....
Sonnet XVIII
Quand tu voudras me prendre à la légère
Et me railler sur un air de chanson,
Contre moi-même avec toi, pour te plaire,
Je nommerai vertu la trahison.
Bien mieux que toi, je sais une raison,
Un secret pour me perdre, et je vais faire
A ton usage un récit de l’affaire :
Il te vaudra de l’honneur ! – De façon
Que par ceci, j’y gagnerai moi-même,
Car ne pensant qu’à toi, puisque je t’aime,
Ton avantage est doublement le mien,
Serait-ce au prix d’un tort que je m’inflige. –
Je suis à toi, je t’aime assez, te dis-je,
J’accepterai tout le mal pour ton bien.
Sonnet XIX
Ce n’est point tout mon mal, qu’elle soit ton amie,
Et tu sauras pourtant que je l’aimais beaucoup ;
Que tu sois son ami, ma peine est infinie,
La perte d’un tel bien m’accable plus que tout.
Amants injurieux ! Mon excuse pour vous,
C’est qu’Il t’aime sachant combien je t’apprécie,
Et qu’Elle te permet cet amour des plus doux
Parce que l’amitié l’un et l’autre nous lie…
Lui perdu, c’est un gain pour mon amour, tant mieux !
Elle perdue, eh ! bien, mon ami l’a trouvée ;
Ils se trouvent l’un l’autre et je les perds tous deux ;
Mais c’est en mon honneur, la chose m’est prouvée,
Qu’ils m’ont mis cette croix sur le dos. Et, ma foi,
Deux amis ne font qu’un : elle n’aime que moi.
Sonnet XXII
Quel élixir de larmes de Sirène
Né dans l’enfer d’un alambic malsain
Ai-je donc bu, changeant mon plaisir en peine,
Espoir en crainte, en perte tout mon gain ?
De quelle erreur mon cœur était-il plein
Qui savourait sa chance plus qu’humaine !
Et dans la fièvre alors de la géhenne
Combien mes yeux s’égarèrent soudain,
Maos, ô bienfait du mal ! si l’on ignore
Que le meilleur par le mal s’améliore
Et que l’amour – à présent je le sais –
Renaît plus fort, plus beau de sa ruine :
J’y fus déçu, mais sans qu’il m’en chagrine,
Riche trois fois de mécomptes passés.
Sonnet XXIII
Je n’admettrai jamais de divorce valable
Au mariage des esprits ; l’amour n’est pas
L’amour, s’il doit changer quand on change ici-bas,
Quitter quand on le quitte et par un mal semblable,
Oh ! non. Voici l’amour : un phare inébranlable
Qui regarde les flots tumultueux ; l’éclat
D’une étoile guidant la nef qui se débat,
Sans prix, dans sa hauteur vainement calculable.
Il n’est pas le jouet du Temps, bien que la rose
Du visage demeure à l’ombre de la faux :
Il ne s’altère point comme le temps dispose ;
Et si ce que j’affirme en ce langage est faux,
Avant le dernier Jour s’il connaît sa défaite,
Nul n’a jamais aimé, je ne suis pas poète.
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