Ecoutez les battements de mon coeur, laissez-vous bercer par sa musique et partagez ma passion pour la poésie.
Après avoir adoré les films « Roméo + Juliette » de Baz Luhrmann et « Shakespeare in love » de John Madden, il était temps que je me livre à la lecture de ce roman du grand maître Shakespeare.
C’est par l’intermédiaire d’un tout petit livre de 9 cm sur 12 avec une jolie couverture bleue et bordé d’enluminures dorées que je me suis plongée dans cette aventure tant attendue malgré toutes mes connaissances à son sujet. Les traductions sont de François Victor-Hugo et il y a quelques illustrations en noir et blanc.
Sûrement le plus romantique, évidemment le plus beau pour les amoureux, Roméo et Juliette est un recueil de toute beauté, une ode à l’amour qui ne peut laisser indifférent. Son auteur y a mis ton son talent, tout son cœur, toute son humanité pour faire vivre aux lecteurs l’Amour avec un grand A. Les dialogues sont une pure merveille, les échanges entre nos deux jeunes tourtereaux sont emprunts de miel suave et délicat, c’est une douce mélodie qui titille nos oreilles et nous fait esquisser un sourire de satisfaction voire d’envie. L’humour y est aussi présent, certaines répliques font franchement rire surtout si on imagine la scène dans toute son ampleur. Puis ce sera au tour de la tristesse de nous envahir lors de cette fin inévitable et trop célèbre.
Avant de vous livrer quelques extraits mûrement choisis - un choix difficile d’ailleurs-, je tiens à préciser que « Roméo + Juliette » tant critiqué (car trop décalé) est très fidèle au roman et c’est avec joie et émotion que j’ai relu certains passages absolument identiques au mot près. Cela met à nouveau en avant la qualité du scénario et surtout le jeu magnifique des acteurs si jeunes à l’époque et pourtant déjà prometteurs. Quant à « Shakespeare in love », il respecte aussi le livre et complète parfois les passages survolés du film précédent.
Place aux extraits qu’ouvre ce prologue :
Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, en couple d’amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles,
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s’efforcera de corriger notre insuffisance.
Acte I scène 1 : les parents de Roméo cherchent leur enfant et demande de l’aide à Benvolio leur neveu. Le père dit :
« Voilà bien des matinées qu’on l’a vu là augmenter de ses larmes la fraîche rosée du matin et à force de soupirs ajouter des nuages aux nuages. Mais, aussitôt que le vivifiant soleil commence, dans le plus lointain orient, à tirer les rideaux ombreux du lit de l’Aurore, vite mon fils accablé fuit la lumière ; il rentre, s’emprisonne dans sa chambre, ferme ses fenêtres, tire le verrou sur le beau jour, et se fait une nuit artificielle. »
Les parents sortent de scène, arrive Roméo qui se confie à Benvolio :
« L’amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c’est une flamme qui étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c’est une mer qu’alimentent leurs larmes. Qu’est-ce encore ? la folle, la plus raisonnable, une suffocante amertume, une vivifiante douceur. » (Il évoque ici son amour pour Rosaline, il n’a pas encore vu Juliette)
Acte I scène 5 : premier échange entre Roméo et Juliette (extrait très proche du film Roméo + Juliette) :
Roméo, prenant la main de Juliette : Si j’ai profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, je suis prêt à une douce pénitence : permettez à mes lèvres, comme à deux pèlerins rougissants, d’effacer ce grossier attouchement par un tendre baiser.
Juliette : Bon pèlerin, vous êtes trop sévère pour votre main qui n’a fait preuve en ceci que d’une respectueuse dévotion. Les saintes mêmes ont des mains que peuvent toucher les mains des pèlerins ; et cette étreinte est un pieux baiser.
Roméo : Les saintes, n’ont-elles pas des lèvres, et les pèlerins aussi ?
Juliette : Oui, pèlerin, des lèvres vouées à la prière.
Roméo : Oh ! alors, chère sainte, que les lèvres fassent ce que font les mains. Elles te prient ; exauce-les, de peur que leur foi ne se change en désespoir.
Juliette : Les saintes restent immobiles, tout en exauçant les prières.
Roméo : Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l’effet de ma prière. (Il l’embrasse sur la bouche.) Vos lèvres ont effacé le péché des miennes.
Juliette : Mes lèvres ont gardé pour elles le péché qu’elles ont pris des vôtres.
Roméo : Vous avez pris le péché de mes lèvres ? O reproche charmant ! Alors rendez-moi mon péché. (Il l’embrasse encore.)
Juliette : Vous avez l’art des baisers.
Acte II scène 2 : la scène du balcon (inévitable !) :
Roméo : Il se rit des plaies celui qui n’a jamais reçu de blessures ! (Apercevant Juliette à une fenêtre.) Mais doucement ! Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l’Orient, et Juliette est le soleil ! Lève-toi, belle aurore, et tue la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur, parce que toi, sa prêtresse, tu es plus belle qu’elle-même ! Ne sois plus sa prêtresse, puisqu’elle est jalouse de toi ; sa livrée des vestale est maladive et blême, et les folles seules la portent : rejette-la !... Voilà ma dame ! Oh ! voilà mon amour ! Oh ! si elle pouvait le savoir !... Que dit-elle ? Rien… Elle se tait… Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre… Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu’à ce qu’elles reviennent. Ah ! si les étoiles se substituaient à ses yeux, en même temps que ses yeux aux étoiles, le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres, comme le grand jour, une lampe ; et ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n’est plus. Voyez comme elle appuie sa joue sur sa main ! Oh ! que ne suis-je le gant de cette main ! Je toucherai sa joue !
Juliette : Hélas !
Roméo : Elle parle ! Oh ! parle encore, ange resplendissant ! Car tu rayonnes dans cette nuit, au-dessus de ma tête, comme le messager ailé du ciel, quand, aux yeux bouleversés des mortels qui se rejettent en arrière pour le contempler, il devance les nuées paresseuses en vogue sur le sein des airs !
Juliette : O Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.
(La tirade de Roméo est bien plus longue ici que dans les deux films, c’est pourquoi je vous l’ai intégralement proposée, si vous voulez lire la suite je vous invite à lire mon article sur Roméo + Juliette car elle est identique.)
Acte III scène 2 : Juliette attendant la visite de Roméo pour leur nuit de noce :
Retournez au galop, coursiers aux pieds de flamme, vers le logis de Phébus ; déjà un cocher comme Phaéton vous aurait lancé dans l’ouest et aurait ramené la nuit nébuleuse… Etend ton épais rideau, nuit vouée à l’amour, que les yeux de la rumeur se ferment et que Roméo bondisse dans mes bras, ignoré, inaperçu ! Pour accomplir leurs amoureux devoirs, les amoureux y voient assez à la lueur de leur beauté ; et, si l’amour est aveugle, il s’accorde d’autant mieux avec la nuit… Viens, nuit solennelle, matrone au sobre vêtement noir, apprends-moi à perdre, en la gagnant, cette partie qui aura pour enjeux deux virginités sans tache ; cache le sang hagard qui se débat dans mes joues, avec ton noir chaperon, jusqu’à ce que le timide amour, devenu plus hardi, ne voie plus que chasteté dans l’acte de l’amour ! A moi, nuit ! Viens, Roméo, viens : tu feras le jour de la nuit, quand tu arriveras sur les ailes de la nuit, plus éclatant que la neige nouvelle sur le dos du corbeau. Viens, gentille nuit ; viens, chère nuit au front noir, donne-moi mon Roméo, et, quand il sera mort, prends-le et coupe-le en petites étoiles, et il rendra la face du ciel si splendide que tout l’univers sera amoureux de la nuit et refusera son culte à l’aveuglant soleil… Oh j’ai acheté un domaine d’amour, mais je n’en ai pas pris possession, et celui qui m’a acquise n’a pas encore joui de moi. Fastidieuse journée, lente comme la nuit l’est, à la veille d’une fête, pour l’impatiente enfant qui a une robe neuve et ne peut la mettre encore ! Oh ! voici ma nourrice…
(Elle lui apprendra alors le décès de Roméo.)
Acte V scène 3 : Roméo découvrant le corps sans vie de Juliette.
O mon amour ! ma femme ! La mort qui a sucé le miel de ton haleine n’a pas encore eu de pouvoir sur ta beauté : elle ne t’a pas conquise ; la flamme de la beauté est encore toute cramoisie sur tes lèvres et sur tes joues, et le pâle drapeau de la mort n’est pas encore déployé là… [ …] Ah ! chère Juliette, pourquoi es-tu si belle encore ? Dois-je croire que le spectre de la Mort est amoureux et que l’affreux monstre décharné te garde ici dans les ténèbres pour te posséder ?.... Horreur ! Je veux rester près de toi, et ne plus sortir de ce sinistre palais de la nuit ; ici, ici, je veux rester avec ta chambrière, la vermine ! Oh ! c’est ici que je veux fixer mon éternelle demeure et soustraire au joug des étoiles ennemies cette chair lasse du monde… (Tenant le corps embrassé.) Un dernier regard, mes yeux ! bras, une dernière étreinte ! et vous, lèvres, vous, portes de l’haleine, scellez par un baiser légitime un pacte indéfini avec le sépulcre accapareur ! (Saisissant la fiole.) Viens, amer conducteur, viens, âcre guide. Pilote désespéré, vite ! lance sur les brisants ma barque épuisée par la tourmente ! A ma bien-aimée ! (Il boit le poison.) Oh ! l’apothicaire ne m’a pas trompé : ses drogues sont actives. Je meurs ainsi… sur un baiser ! (Il expire en embrassant Juliette.)
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